Ces derniers mois, vous avez peut-être vu apparaître sur votre feed Instagram, sur des applications de jeux ou sur Google Shopping, des publicités pour des produits divers et variés à des prix particulièrement bas. Si cette tendance n’est pas nouvelle – elle existe déjà depuis plusieurs années via des sites comme Shein ou AliExpress – elle émane désormais d’un nouvel acteur : Temu. La plateforme chinoise, créée il y a tout juste un an, connaît une croissance fulgurante à coup de matraquage marketing. Si de nombreux internautes sont attirés par l’attractivité de son offre, le modèle du site e-commerce génère également de nombreuses interrogations.
Temu se propage à un rythme effréné
C’est en juillet 2022 que Temu voit le jour. Derrière la plateforme se trouve la société PDD Holdings Inc, basée à Shanghai et propriétaire du géant du e-commerce chinois Pinduoduo. Le principe de l’application est similaire à celui de ses concurrents : elle propose une offre presque inépuisable de produits, allant des vêtements au matériel de cuisine en passant par les accessoires automobiles, qui sont expédiés depuis des entrepôts chinois.
Naturellement, les prix pratiqués par le site défient toute concurrence (baskets à 11 €, kit de manucure à moins de 5 €, support de téléphone à 1,80 €, etc.), si bien que la plateforme a adopté un slogan éloquent : « achetez comme un milliardaire ». Comme l’explique le spécialiste des entreprises numériques chinoises Jeffrey Towson au Monde, la plateforme ne réalise pas encore de marge, afin de s’implanter rapidement dans les pays ciblés.
Et le succès est au rendez-vous. Trois mois après son lancement aux États-Unis, l’application était en tête des téléchargements. Dans l’Union européenne, où la plateforme a fait son arrivée au mois d’avril (en France, au Royaume-Uni, en Italie, aux Pays-Bas, en Espagne et en Allemagne), le succès est similaire. Ces derniers jours, elle est l’application la plus téléchargée en France sur iOS et Android.
Un marketing très agressif
Si les prix cassés constituent un facteur majeur du succès de Temu, la plateforme peut également compter sur une stratégie marketing particulièrement offensive. L’application multiplie les publicités sur les plateformes sociales (Instagram, Facebook, X, TikTok) via des publications sponsorisées ou des partenariats avec des influenceurs. Elle a également su se faire une place sur Google Shopping dans de nombreux domaines.
Mais Temu ne se limite pas aux canaux digitaux. En février, l’entreprise s’est offert une publicité de 30 secondes à la mi-temps du Super Bowl, pour la somme de 7 millions de dollars. L’événement sportif a réuni 115,1 millions de téléspectateurs.
Des problématiques sociales et environnementales
Tout comme Shein ou AliExpress, Temu fait face à de nombreuses critiques. Son modèle, basé sur la vente de produits de faible qualité à bas prix, expédiés d’un continent à l’autre, s’avère particulièrement polluant. Dans un billet intitulé Shein, Boohoo, Temu… La mode à bas prix enflamme la planète, le magazine 60 millions de consommateurs alerte par la voix de Lionel Maugain :« le pire est peut-être à venir avec Temu, qui débarque en France après un lancement fracassant aux États-Unis. Cette application propose un défilement sans fin de suggestions d’articles à acheter, sur un mode ludique redoutable. » Le journaliste fait ainsi référence aux techniques de gamification opérées par Temu, qui renforcent son potentiel addictif.
Par ailleurs, l’entreprise est loin d’être irréprochable sur les problématiques de droit du travail. Un récent rapport parlementaire de la commission américaine sur le Parti communiste chinois cible en particulier les pratiques de Temu et Shein, les accusant d’avoir recours au travail forcé des Ouïghours.
Temu ne dispose d’aucun système permettant de garantir le respect de la loi sur la prévention du travail forcé des Ouïghours. […] Cela garantit presque à coup sûr que Temu envoie, sur le sol américain, des produits réalisés via un travail forcé.
Des craintes liées à la sécurité
Au mois de mars, Pinduoduo a été suspendu du Google Play Store en raison de logiciels malveillants détectés au sein de l’application. Ces malwares permettaient de contourner les autorisations de sécurité de l’utilisateur afin d’accéder à des informations personnelles. De quoi susciter une certaine méfiance sur la sûreté de son application jumelle.
En mai, le gouverneur du Montana Greg Gianforte a ainsi pris la décision d’interdire l’application des téléphones des fonctionnaires, aux côtés des applications chinoises TikTok et WeChat, et de la messagerie russe Telegram. À partir de janvier 2024, l’interdiction sera étendue à tous les citoyens du Montana.
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